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Furosémide : vraie crise ou fausse alerte?

18/06/2013 22:42 | lu 142 fois

Furosémide : vraie crise ou fausse alerte ?

Une semaine après le lancement de l'alerte, le mystère reste entier autour de la dramatique inversion de comprimés de furosémide et de zopiclone retrouvée dans une boîte de médicament. Longuement inspectée par l'ANSM, la chaîne de fabrication semble mise hors de cause. Erreur humaine ou malveillance ou tout simplement fausse alerte ? Toutes les pistes méritent d'être explorées.

COMMENT des comprimés de zopiclone ont-ils pu se retrouver dans une boîte de furosémide Teva ? Telle est la question à laquelle se frottent les enquêteurs depuis plus d'une semaine. Ce cauchemar de pharmacien, celui de l'inversion de médicament, a une cause, voire sans doute plusieurs causes intriquées. En attendant les résultats définitifs des enquêtes en cours, « le Quotidien » a tenté d'explorer toutes les pistes, de l'accident industriel, à l'acte de malveillance, jusqu'à l'hypothèse de la fausse alerte.

Cela est-il arrivé parce qu'il s'agit d'un générique ?

L'occasion était trop belle pour les pourfendeurs des génériques. Dès l'annonce de cette dramatique affaire, certains d'entre eux se sont répandus dans les médias pour affirmer, sans sourciller, que ceci n'aurait jamais pu arriver avec un princeps. La ministre de la Santé n'est pas de cet avis. En effet, affirme Marisol Touraine, la présence éventuelle de comprimés de zopiclone dans des boîtes de furosémide, « n'a rien à voir avec le fait que le médicament en question soit un médicament générique ». Teva est « une entreprise reconnue, premier génériqueur au niveau mondial », souligne-t-elle. Le directeur général de l'ANSM, le Pr Dominique Maraninchi, rappelle d'ailleurs régulièrement que ce n'est pas parce qu'ils sont moins chers que ce sont des médicaments au rabais, ni en qualité, ni en sécurité. En effet, leur coût moins élevé provient avant tout du fait que le fabricant de génériques n'a pas à supporter les dépenses de recherche et développement du produit. Toutefois, les chaînes de production de génériques sont susceptibles d'être exposées à davantage d'erreurs car « elles connaissent des alternances plus fréquentes que celles qui produisent les princeps en continu », affirme Jean-Paul Fournier, membre du groupe qualité CHMP (Committee for medicinal products for human use). Oui, mais dans le cas précis, la chose semble impossible. « Les deux médicaments (zopiclone et furosémide, NDLR) ont été conditionnés sur des lignes différentes et à plusieurs semaines d'intervalle », assure le président de Teva France, Érick Roche.

La matière première peut-elle être incriminée ?

A priori, non. Le problème ici est le mélange de deux médicaments différents au sein d'une même boîte. Des comprimés fabriqués à des endroits différents avant d'être reconditionnés dans l'usine de Sens. En effet, explique l'ANSM, les comprimés de furosémide proviennent de Hongrie, tandis que ceux de zopiclone arrivent d'Espagne. Difficile, donc, d'imaginer qu'un fût de l'un contienne des comprimés de l'autre.

Combien de boîtes sont concernées par cette erreur de conditionnement ?

Peu de boîtes semblent être concernées par l'échange de principe actif. « Quelques dizaines de boîtes ont potentiellement eu ce problème de conditionnement », indiquait le laboratoire au début de l'enquête. Il y a quelques jours, la ministre de la Santé assurait même que, « à ce stade, il n'y a qu'une seule boîte, la boîte identifiée à l'origine, qui porte la preuve d'un échange de médicaments ». En effet, des représentants du laboratoire ouvrent un à un les blisters de furosémide, sous contrôle d'huissier. Vendredi dernier, après avoir examiné le contenu de plusieurs centaines de boîtes, les personnes en charge de ce contrôle chez Teva n'avaient encore trouvé aucun comprimé de zopiclone Teva 7,5 mg à l'intérieur des blisters de furosémide Teva 40 mg.

Les contrôles ont-ils été défaillants ?

Difficile de répondre avec certitude à cette question. Ce qui est sûr, c'est que de très nombreux contrôles sont opérés, de l'arrivée de la matière première - en l'occurrence un vrac de comprimés finis - jusqu'au bout de la ligne de conditionnement. Problème, comme la plupart des contrôles réalisés dans l'industrie pharmaceutique, ceux-ci sont effectués sur des prélèvements aléatoires, ou échantillons, une procédure qui ne peut garantir à 100 % la conformité absolue de l'ensemble des lots délivrés? Par ailleurs, pour éviter le mélange accidentel de matière première lors de deux fabrications successives, des « vides de ligne » sont normalement réalisés, qui doivent empêcher que des comprimés restent stockés à des endroits critiques de la chaîne de conditionnement.

L'enquête menée la semaine dernière par l'ANSM n'a pas mis en évidence de dysfonction sur la chaîne de conditionnement inspectée. Plus encore, lors de leur inspection, les enquêteurs ont tenté d'introduire des comprimés de zopiclone sur la ligne de conditionnement du diurétique. La machine les a immédiatement éjectés.

Les cas d'inversion de principes actifs sont-ils fréquents ?

Non, les cas de blisters ne renfermant pas le bon médicament suite à une erreur de manipulation sont extrêmement rares. À peine deux cas ont déjà été rapportés, comme celui d'emballages contenant le bon principe actif, mais sous deux dosages différents. Autre exemple, celui de lots du contraceptif oral Alysena 28, commercialisé au Canada, qui ont été rappelés d'urgence il y a quelques semaines : au lieu de contenir 7 comprimés de placebo et 21 comprimés de principe actif, certaines boîtes se composaient de 14 comprimés de placebo et 14 contraceptifs. Quant aux autres affaires célèbres, telle celle de la Josacine, en 1994, et celle du Tylénol aux États-Unis, en 1982, elles relevaient, à chaque fois, d'un acte criminel. Dans les deux cas, du cyanure avait été incorporé au médicament.

L'alerte a-t-elle bien fonctionné ?

L'alerte a été transmise au laboratoire Teva par un pharmacien, dont une patiente a constaté une somnolence inhabituelle alors qu'elle suivait son traitement chronique diurétique. Ce confrère, qui a souhaité rester discret, a donc été à l'origine de toute la procédure (voir encadré). Le laboratoire Teva a aussitôt alerté l'Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM), ses distributeurs, les grossistes-répartiteurs et tous les pharmaciens. L'ANSM a procédé au rappel de deux lots de Furosémide Teva 40 mg, suite à l'alerte du vendredi 7 juin. Le lendemain, plus aucun Furosémide Teva n'était disponible en pharmacie. L'Ordre des pharmaciens a utilisé le réseau informatisé du dossier pharmaceutique (DP) pour alerter les officinaux. Lundi soir, l'ensemble des lots ont été rappelés. L'Ordre souligne que l'alerte du lundi 10 juin a été reçue « par plus de 95,5 % des officines, 97,5 % des distributeurs en gros, 95,5 % des PUI, en moins de 3 heures ». L'alerte a donc plutôt bien fonctionné.

? ANNE-GAËLLE MOULUN, CHRISTOPHE MICAS ET DIDIER DOUKHAN

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